samedi 29 janvier 2011

¨Prendre le temps de regarder.


Une femme et sa mère sont dans une pièce inutile de définir. Une femme et sa mère sont quelque part et se regardent, c’est la mère qui regarde, elle regarde sa fille qui de jeunesse s’expose et se vêt elle la regarde longtemps sa fille.

La Mère :

J’ai pris le temps de regarder ton visage ce matin et ton emballage. Je ne t’ai pas vu t’emballer mais l’emballage oui
J’ai vu
Emballage stratifié bien collé à ta peau
Et ton pouvoir terrible et alléchant
Tu crois que ton pouvoir
Tient dans cet emballage.
Seins cuisses et hanches qui font bosses et tu voles les regards publiquement, tu te rends publique, tu es une publicité
 et un magasine tout entier
Ton emballage
Je crois que c’est mal, je crois qu’il ne faut pas que le corps d’une femme soit public
C’est obscène, tellement obscène tout ça.
Je fais des plis avec ma peau pour le comprendre et j’ai pris le temps de regarder ton visage ce matin.
Le pli là tu vois ? Et j’ai compté mes cicatrices. Dix-sept et deux grandes inavouables que tu connais.
Bien plus que moi le corps se souvient et certaines que tu connais.
La grande colline qui traverse mon ventre
Tu la connais
Qui de mon pubis à mes seins a fait sortir l’enfant, l’enfant entré dans ce même pubis et nourri de ces seins et qui n’a pas trouvé la sortie ce jour-là
Ou n’a pas voulu.
Et l’enfant fille engendré par la plaie devenue colline entre son pubis et ses seins elle aussi.
Un autre enfant.
Une fille peut-être et ainsi le drame familiale d’une seule fille à chaque fois entre ce pubis et ces seins qui dans le sang et au milieu de la chair née, une fille nue et un pubis minuscule qui ne connait rien encore de sa maladresse d’être née au milieu d’une plaie. Une fille nue à habiller
Pas comme ça.
(silence)

Et toi tu es l’enfant La fille née d’une plaie et d’un sang qui n’était pas vaginale.
Tu es née d’une bosse sans plis et tu en as laissé un.
Un pli intact et presque régulier
Qui a touché à mon corps ?
C’était un dimanche ce jour-là.
Et j’ai pris le temps de regarder ton visage ce matin.
Ta bouche
J’ai pris le temps de regarder ton visage et ta bouche ce matin encore une fois
Pas si grande.
Mais bouche emballée de rouge et ta peau
Un pli gâché sur mon corps à présent

lundi 13 décembre 2010

Monologue de gare.

Je suis venue ici pour voire se jouer le drame ordinaire et attendre avec vous ce que vous attendez. Le train que vous attendez et que je n’attends pas ou avec vous à cet instant et vos valisent qui attendent. Je suis parti sans valises moi, sans idées ni valises et je suis venue ici pour se voire jouer le drame ordinaire. Il y a eu des fois où j’ai attendu ici dans ce même lieu grouillant de valises et d’attente. Il y a eu des fois où j’ai partagé cette attente du train et elle attendait de l’autre côté du train, dans un lieu pour attendre plein de valises aussi, des valises géographiquement différentes mais qui d’attente aussi. Le retard une fois et elle m’a dit que c’était long, elle, nerveuse d’avoir trop attendu, à peine embrassée et je ne savais bientôt plus pourquoi j’avais attendu. Je pourrais presque vous demander si quelqu’un vous attend de l’autre côté du train, si comme moi, quelqu’un va vous embrasser et oublier ce temps de valises et de gens qui passent et se jouent un drame potentiel, la rupture et la mort chaque fois recommencées sur le bruit grinçant des moteurs et des voix qui annoncent. Petite mort qui se joue au milieu des valises, petite mort. Je ne l’ai jamais revue après la dernière fois, l’embrassade du départ et les larmes au milieu des voies. Jamais revue. Une rupture mortuaire qui se passait dans sa tête et au milieu des valises, je ne voyais rien et au milieu du train, l’inondation dans sa tête et elle est morte à 17h47, gare d’Orléans et au milieu des valises et de l’attente moi je ne peux plus attendre, jamais. Elle avait une robe rouge au milieu des montagnes. Je me rappelle que ce rouge était un caprice que j’observais de loin avec plaisir. Quand je ne la connaissais pas. Quand dans sa tête, le drame ordinaire s’esquissait seulement et qu’elle ne le savait pas. Je lui disais « t’es belle petite » et elle dansait terriblement dans sa robe rouge, bleue, verte. Elle dansait chaque fois dans une robe nouvelle que je découvrais en descendant du train ou elle, elle qui descendait du train et votre robe noire qu’il va découvrir quand vous descendrez du train. Ou lui. On ne meurt pas souvent dans un train c’est dommage, je trouve ça lyrique de mourir dans un train et vous ? Il y a ces magasines à acheter pour attendre et les cases cochées une à une qui descendaient jusqu’à ma fidélité comptée en triangles descendait jusqu’à ses cuisses rassurées, nues et rassurées que je caressais vivement d’avoir trop attendu. Un bain de sang dans sa tête ce jour-là à Orléans 17h47. Vous prenez souvent le train peut-être et peut-être vous connaissez tout déjà de ce drame ordinaire qu’est ce banc où vous et moi sommes assis et l’anévrisme qui plane sans odeur ni signe au milieu des valises. Une fois au restaurant une dispute parce qu’elle trouvait que travailler aux impôts, je valais mieux. Une fois ses yeux qui brillaient de colère et d’envie d’être convaincante. « Tu prends la moue des dimanches pluvieux chérie ». Un boulot comme un autre et tout un tas de papiers à régler ce soir là, qu’on en avait parlé. Je rigole cette moue chérie tu es belle avec cette robe blanche et belle demain encore quand il faudra partir. Le temps passe vite vous savez quand on ne l’attend pas. Elle a ri au dessus de son assiette et de notre dispute, elle n’a plus jamais porté cette robe rouge de la montagne où je l’ai rencontrée. Je la garde précieusement. Il me semble que vous allez bouger. La voie A qui s’annonce et l’attente qui change de décor. Faites attention. Faites attention à Orléans à 17h47 à l’heure où les ruptures se font et les têtes se remplissent de sang, pensez qu’il ne vous attendra plus jamais. Encore un peu de temps avant la voie A, les valises pleines de robes sont patientes, elles et moi.

dimanche 21 novembre 2010

Les passants. 4.


Une femme.
Adam, as-tu déjà pensé au vide ?

Son mari.
 Au vide ? Oui sans doute
Je veux dire
En haut d’une falaise
J’ai déjà eu peur de tomber

Une femme.
Non. Je ne parle pas de ça
Pas de ce vide là
Ou plutôt
Pas de cette manière là.
Je parle du vide comme
L’absence de toute chose
En bas de la falaise il y a l’eau et en bas de la tour la route, les gens.
Tu tombes, c’est la mort mais au milieu de la vie
Ce n’est pas si grave tu vois
Puisqu’il y a quelque chose.
Je ne parle pas de ce vide là car celui-ci est une illusion
           
Son mari.
Et pourtant ?

Une femme.
Et pourtant quoi ?

Son mari.
Je ne suis pas si bête, je sais bien que c’est cela que l’on appelle vide !

Une femme.
Oui peut-être oui
Mais imagine
Qu’il n’y est rien
En bas de la falaise
Ni eau, ni terre, ni même un trou
Juste le vide.
Tu tombes
Tu ne meurs pas puisque la mort elle-même est quelque chose
Tu tombes et il n’y a rien
Cette douleur affreuse du rien
Le néant, cette enveloppe ni froide ni chaude
Sans odeur, sans son
    
Son mari.
Si ce n’est rien alors ce n’est pas grand-chose et je ne vois pas pourquoi tu cherches à en parler

Une femme.
C’est exactement ce qu’il se passe dans ma tête
Ce vide

Son mari.
Quoi ?
Tu es bête mon petit rien.
Tu penses trop.

Une femme.
Tu dis toujours ça.

Son mari.
Mais oui. Regarde-toi. Tu es belle, si belle.
Cette jupe.
Je désire tellement avec cette jupe.
C’est ça ton plein tu vois
C’est ça qui te remplis
Cette beauté et cette jupe.

Une femme.
Arrête.

Son mari.
Chut.

Une femme.
Arrête. Tu ne m’écoutes pas.
Et je n’ai rien à dire.
Le vide.

Son mari.
Chut mon petit rien.
Chut.

mardi 16 novembre 2010

Les passants. 3.


Le travesti :
Premièrement : les talons. Confortables et superbes. J’ai pris rouges vernis parce que ça fait pute. Pute c’est bien. J’aime bien quand les gens disent « C’est une pute celle-là » «  Elle est habillée comme une pute » Une référence cette pute. On a comme ça une grille assez large de références : La pute, la bourgeoise, la bobo autrement dit bourgeoise bohème, très différent de la bourgeoise classique qu’on complète parfois de bourgeoise catho. La bourgeoise bohème est une femme inspirée elle a très sérieusement soigné le tout ce matin et elle a presque l’air de l’avoir pas fait exprès. La bourgeoise catho elle n’a pas besoin de choisir, elle en a 5 des jupes tombantes en dessous des genoux. Dans la rue donc les putes, les bourgeoises, les bobos, les pétasses aussi (intéressante catégorie) qu’on accuse et catalogue. Le Ikea des femmes, confortable et abordable, à chacune son nom et son design.
Mais nous en étions aux putes, à mes chaussures de pute, mes talons – vernis talons rouges – Il faut savoir marcher avec ces talons pour ne pas être accusée de déséquilibre. Pour ne pas être une femme déséquilibrée. C’est mauvais genre.
La jupe. Au dessus des genoux. « Ta jupe me fait un effet sensas, ta jupe me fait bander ».  J’ai déjà presque l’air d’être habillée. Pas tout à fait. La jupe avant le chemisier.
Le miroir s’il vous plait.
Je déambule comme une pute. Une pute ? J’ai l’air d’une pute ?
Un passant :
Il a l’air d’une pute ?
Un passant :
Un peu
Un passant :
Pas tout à fait le mot est un peu fort non ?
Un passant :
Il déambule bien
Un passant :
Quel équilibre
Un passant :
Je déambule comme une pute et j’ai l’équilibre
Un passant :
Fin de spectacle on range Chérie.
Un passant :
Merci.

Je bricole ma colère.

Les passants. 2.


Une femme.
Il me trouve belle
Je sais
Il me dit : « Tu es mon magasine, une jolie photo à trimballer »
Je m’efforce d’être toujours parfaite
J’aime quand il me regarde m’habiller.
« C’est beau les jupes » Il me dit. « La petite noire qui te moule les fesses »
Surtout celle-là qu’il aime.
Moi aussi j’aime. Le rouge sur les lèvres
Et les talons
12 centimètres de talons.
Je suis presque une tour. Pas tout à fait solide comme tour.