dimanche 21 novembre 2010

Les passants. 4.


Une femme.
Adam, as-tu déjà pensé au vide ?

Son mari.
 Au vide ? Oui sans doute
Je veux dire
En haut d’une falaise
J’ai déjà eu peur de tomber

Une femme.
Non. Je ne parle pas de ça
Pas de ce vide là
Ou plutôt
Pas de cette manière là.
Je parle du vide comme
L’absence de toute chose
En bas de la falaise il y a l’eau et en bas de la tour la route, les gens.
Tu tombes, c’est la mort mais au milieu de la vie
Ce n’est pas si grave tu vois
Puisqu’il y a quelque chose.
Je ne parle pas de ce vide là car celui-ci est une illusion
           
Son mari.
Et pourtant ?

Une femme.
Et pourtant quoi ?

Son mari.
Je ne suis pas si bête, je sais bien que c’est cela que l’on appelle vide !

Une femme.
Oui peut-être oui
Mais imagine
Qu’il n’y est rien
En bas de la falaise
Ni eau, ni terre, ni même un trou
Juste le vide.
Tu tombes
Tu ne meurs pas puisque la mort elle-même est quelque chose
Tu tombes et il n’y a rien
Cette douleur affreuse du rien
Le néant, cette enveloppe ni froide ni chaude
Sans odeur, sans son
    
Son mari.
Si ce n’est rien alors ce n’est pas grand-chose et je ne vois pas pourquoi tu cherches à en parler

Une femme.
C’est exactement ce qu’il se passe dans ma tête
Ce vide

Son mari.
Quoi ?
Tu es bête mon petit rien.
Tu penses trop.

Une femme.
Tu dis toujours ça.

Son mari.
Mais oui. Regarde-toi. Tu es belle, si belle.
Cette jupe.
Je désire tellement avec cette jupe.
C’est ça ton plein tu vois
C’est ça qui te remplis
Cette beauté et cette jupe.

Une femme.
Arrête.

Son mari.
Chut.

Une femme.
Arrête. Tu ne m’écoutes pas.
Et je n’ai rien à dire.
Le vide.

Son mari.
Chut mon petit rien.
Chut.

mardi 16 novembre 2010

Les passants. 3.


Le travesti :
Premièrement : les talons. Confortables et superbes. J’ai pris rouges vernis parce que ça fait pute. Pute c’est bien. J’aime bien quand les gens disent « C’est une pute celle-là » «  Elle est habillée comme une pute » Une référence cette pute. On a comme ça une grille assez large de références : La pute, la bourgeoise, la bobo autrement dit bourgeoise bohème, très différent de la bourgeoise classique qu’on complète parfois de bourgeoise catho. La bourgeoise bohème est une femme inspirée elle a très sérieusement soigné le tout ce matin et elle a presque l’air de l’avoir pas fait exprès. La bourgeoise catho elle n’a pas besoin de choisir, elle en a 5 des jupes tombantes en dessous des genoux. Dans la rue donc les putes, les bourgeoises, les bobos, les pétasses aussi (intéressante catégorie) qu’on accuse et catalogue. Le Ikea des femmes, confortable et abordable, à chacune son nom et son design.
Mais nous en étions aux putes, à mes chaussures de pute, mes talons – vernis talons rouges – Il faut savoir marcher avec ces talons pour ne pas être accusée de déséquilibre. Pour ne pas être une femme déséquilibrée. C’est mauvais genre.
La jupe. Au dessus des genoux. « Ta jupe me fait un effet sensas, ta jupe me fait bander ».  J’ai déjà presque l’air d’être habillée. Pas tout à fait. La jupe avant le chemisier.
Le miroir s’il vous plait.
Je déambule comme une pute. Une pute ? J’ai l’air d’une pute ?
Un passant :
Il a l’air d’une pute ?
Un passant :
Un peu
Un passant :
Pas tout à fait le mot est un peu fort non ?
Un passant :
Il déambule bien
Un passant :
Quel équilibre
Un passant :
Je déambule comme une pute et j’ai l’équilibre
Un passant :
Fin de spectacle on range Chérie.
Un passant :
Merci.

Je bricole ma colère.

Les passants. 2.


Une femme.
Il me trouve belle
Je sais
Il me dit : « Tu es mon magasine, une jolie photo à trimballer »
Je m’efforce d’être toujours parfaite
J’aime quand il me regarde m’habiller.
« C’est beau les jupes » Il me dit. « La petite noire qui te moule les fesses »
Surtout celle-là qu’il aime.
Moi aussi j’aime. Le rouge sur les lèvres
Et les talons
12 centimètres de talons.
Je suis presque une tour. Pas tout à fait solide comme tour.

lundi 15 novembre 2010

D'autre fois.

Parfois.

Les passants. 1


Le travesti.
16 centimètres de talons
J’ai rasé mes jambes pour l’occasion
Mes jambes qui font pâlir les plus belles femmes de la soirée. Ma jupe brille
Je rayonne
Je m’amuse aux regards
Je marche dans la rue, je suis insoupçonnable.
Nina me va bien. Je suis une femme et un garçon.
16 centimètres de talons et ces pavés putain !